Babel et la crainte de la dispersion de l'humanité
Une première interprétation voudrait que le sens de cette histoire soit le fait de la jalousie de Dieu. L’éternel s’inquiéterait de cette tentative des peuples de s’unir en parlant une même langue afin de lui contester son monopole. Pour faire échec à cette tentative, Dieu confond leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns avec les autres càd il met fin à une entreprise commune en les éloignant, en les dispersant, en créant plusieurs langues. Mais, cette première interprétation est correcte à condition d’accepter un point de vue prométhéen, conception selon laquelle l’homme peut tout mais les dieux sont jaloux et brisent les projets humains pour préserver le monopole de leur toute puissance. Ainsi, tous les phénomènes naturels tels que les cyclones, raz de marée et autres canicules seraient les manifestations de la volonté de Dieu. Mais l’histoire de Babel n’est pas celle de Prométhée (voir l’explication de l’œuvre de Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique) même si l’on retrouve dans les deux mythes cette volonté humaine de dépasser les bornes de son pouvoir (voir Descartes, Discours de la méthode IV ; Pascal, Pensées, frag 379 et suivants). Le sens de Babel n’est pas celui d’une punition de Dieu. Nous retrouverons ce problème lorsque nous traiterons de la notion d’interprétation, par exemple d’une œuvre d’art, notamment à partir de la représentation de la tour de Babel par Bruegel l’Ancien.
En réalité, le texte biblique est autant anthropologique que religieux et l’interrogation est fondamentale : quel est le bienfait qui peut résulter de la dispersion linguistique des hommes ? Traditionnellement, tout ce qui sépare est considéré comme mal alors que l’unité s’énonce comme un bien. Quel bienfait résulte de la séparation des langues ? Dans cette histoire de Babel, l’homme est considéré comme un être en devenir, jamais achevé et toujours en voie