Bac francais
Narcisse, c'en est fait, Néron est amoureux.
NARCISSE
Vous ?
NERON
Depuis un moment mais pour toute ma vie
J'aime, que dis-je, aimer ? J'idolâtre Junie !
NARCISSE
Vous aimez ?
NERON
Excité d'un désir curieux,
Cette nuit je l'ai vue arriver en ces lieux,
Triste, levant au ciel ses yeux mouillés de larmes,
Qui brillaient au travers des flambeaux et des armes,
Belle, sans ornement, dans le simple appareil
D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil.
Que veux-tu ? Je ne sais si cette négligence,
Les ombres, les flambeaux, les cris et le silence,
Et le farouche aspect de ses fiers ravisseurs,
Relevaient de ses yeux les timides douceurs.
Quoi qu'il en soit, ravi d'une si belle vue,
J'ai voulu lui parler, et ma voix s'est perdue :
Immobile, saisi d'un long étonnement,
Je l'ai laissée passer dans son appartement.
J'ai passé dans le mien. C'est là que solitaire,
De son image en vain j'ai voulu me distraire.
Trop présente à mes yeux, je croyais lui parler,
J'aimais jusqu'à ses pleurs que je faisais couler.
Quelquefois, mais trop tard, je lui demandais grâce ;
J'employais les soupirs, et même la menace.
Voilà comme, occupé de mon nouvel amour,
Mes yeux sans se fermer, ont attendu le jour.
Racine, Britannicus, 1669 (acte II, scène 2)
Créon : Et toi, toi qui restes là, tête basse, avoues-tu ou nies-tu le fait ?
Antigone : Je l'avoue et n'ai garde, certes, de le nier.
Créon, ''au Garde'' : Va donc où tu voudras, libéré d'une lourde charge. (Le garde sort. A Antigone) Et toi, maintenant, réponds-moi, sans phrases, d'un mot. Connaissais-tu la défense que j'avais fait proclamer ?
Antigone : Oui, je la connaissais; pouvais-je l'ignorer ? Elle était des plus claires.
Créon : Ainsi tu as osé passer outre à ma loi?
Antigone : Oui, car ce n'est pas Zeus qui l'avait proclamée! Ce n'est pas la Justice, assise aux côtés des dieux infernaux; non, ce ne sont pas là les Lois qu'ils ont jamais fixées aux hommes, et je ne pensais pas que