Bac pro 1999 barbu
TEXTE 1
Dans son roman, Le Feu, Henri Barbusse retrace la vie quotidienne, dans les tranchées, de simples soldats : Tirloir, Eudore, Barque, Lamuse...
Dans le passage qui suit, le courrier vient d’être distribué...
1 Ils regagnent leur coin, quelques-uns par-ci par-là ont à la main le fardeau léger et important d'une lettre. - Ah ! dit Tirloir, i'faut qu'j'écrive, j'peux pas rester huit jours sans écrire. Ça n'a rien à faire.
5 - Moi aussi, dit Eudore, i'faut qu'j'écrive à ma p'tit' femme. - A va bien, Mariette? - Oui, oui. T'en fais pas pour Mariette. D'aucuns se sont déjà installés pour la
10 correspondance. Barque debout, son papier posé à plat sur un carnet dans une anfractuosité (1) de la paroi, semble en proie à une inspiration. Il écrit, écrit, penché, le regard captivé, l'air absorbé d'un cavalier lancé au galop. Lamuse, qui n'a pas d'imagination, passe son temps,
15 une fois qu'il s'est assis, qu'il a posé sur la pointe matelassée de ses genoux sa pochette de papier et mouillé son crayon-encre, à relire les dernières lettres reçues, et à ne pas savoir quoi dire d'autre que ce qu'il a déjà dit, et à s'entêter à vouloir dire autre chose.
20 Une douceur de sentimentalité semble répandue sur le petit Eudore qui s'est recroquevillé dans une sorte de niche de terre. Il se recueille, le crayon aux doigts, les yeux sur son papier ; rêveur, il regarde, il dévisage, il voit, et on voit l'autre ciel qui l'éclaire. Son regard va là-
25 bas. Il est agrandi jusqu'à chez lui... Le moment des lettres est celui où l'on est le plus et le mieux ce que l'on fut. Plusieurs hommes s'abandonnent au passé et reparlent d'abord de mangeaille.
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