« On a dit souvent qu'une hypothèse scientifique qui ne peut se heurter à aucune contradiction n'est pas loin d'être une hypothèse inutile. De même, une expérience qui ne rectifie aucune erreur, qui est platement vraie, sans débat, à quoi sert-elle ? Une expérience scientifique est alors une expérience qui contredit l'expérience commune. D'ailleurs, l'expérience immédiate et usuelle garde toujours une sorte de caractère tautologique , elle se développe dans le règne des mots et des définitions ; elle manque précisément de cette perspective d'erreurs rectifiées qui caractérise, à notre avis, la pensée scientifique. [...] Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique. […] La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n'est jamais immédiate et pleine. Les révélations du réel sont toujours récurrentes. Le réel n'est jamais « ce qu'on pourrait croire » mais il est toujours ce qu'on aurait dû penser. La pensée empirique est claire, après coup, quand l'appareil des raisons a été mis au point. En revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même, fait obstacle à la spiritualisation ».
BACHELARD, La Formation de l'esprit scientifique
QUESTIONS :
1) Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.
2) Expliquez les expressions ou phrases suivantes :
a) « Une expérience scientifique est une expérience qui contredit l'expérience commune »
b) « c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique »
c) « Le réel n'est jamais « ce qu'on pourrait croire » mais il est toujours ce qu'on aurait dû penser