Balzac, la cousine bette, chapitre 15 (1846)
Introduction :
Avec la somme romanesque que constitue La Comédie humaine, Balzac a l’ambition de composer un vaste ensemble de « scènes » donnant un tableau complet de la société française de son temps. Le recours massif à la description (qu’on lui a souvent reproché) correspond à la volonté de rendre compte de la réalité dans sa matérialité et dans sa fonction. Il entend montrer le jeu des intérêts individuels qui font de la société un champ de forces, construisant un espace qui porte l’empreinte des puissants mobiles qui font, selon lui, agir les hommes : la volonté de puissance, l’ambition, l’envie, le désir de promotion sociale. La Cousine Bette illustre ainsi la violence des rapports qui régissent aussi bien la famille, nœud de conflits, que la société.
Le chapitre 15 met en scène le « ménage Marneffe » qu’il nous présente dans son cadre, dotant ainsi la description d’une fonction dramatique et symbolique : l’appartement minable du couple explique et annonce les stratagèmes qu’il va utiliser pour sortir de sa misère en exploitant sans vergogne Hulot et Crevel. La corruption morale des deux personnages se lit déjà dans la décrépitude des lieux qui porte la double empreinte de la gêne matérielle et de la déchéance morale, ce qui résume l’expression « une misère sans dignité ».
Nous verrons que cette description typiquement balzacienne, qui établit une stricte correspondance entre l’habitat et ses habitants, trouve sa justification dans la triple visée que lui accorde le narrateur : la peinture du décor illustre un état social, caractérise les personnages, annonce la suite du roman. Ainsi se trouve légitimée cette pause descriptive qui en apparence suspend l’action de façon gratuite.
Le texte est composé de 7 paragraphes de longueur inégale, dont la succession opère une restriction progressive du champ, après le paragraphe liminaire qui joue le rôle d’introduction en annonçant l’objet