Balzac texte 3
| |Honoré de BALZAC (1799-1850), Eugénie Grandet, 1834. |
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| |Au physique, Grandet était un homme de cinq pieds*, trapu, carré, ayant des mollets de douze pouces** de circonférence, des rotules noueuses et de |
| |larges épaules ; son visage était rond, tanné, marqué de petite vérole ; son menton était droit, ses lèvres n'offraient aucune sinuosité, et ses dents|
| |étaient blanches ; ses yeux avaient l'expression calme et dévoratrice que le peuple accorde au basilic ; son front, plein de rides transversales, ne |
| |manquait pas de protubérances significatives; ses cheveux jaunâtres et grisonnants étaient blanc et or, disaient quelques jeunes gens qui ne |
|5 |connaissaient pas la gravité d'une plaisanterie faite sur monsieur Grandet. Son nez, gros par le bout supportait une loupe veinée que le vulgaire |
| |disait, non sans raison, pleine de malice. Cette figure annonçait une finesse dangereuse, une probité sans chaleur, l'égoïsme d'un homme habitué à |
| |concentrer ses sentiments dans la jouissance de l'avarice et sur le seul être qui lui fût réellement de quelque chose, sa fille Eugénie, sa seule |
| |héritière. Attitude, manières, démarche, tout en lui, d'ailleurs, attestait cette croyance en soi que donne l'habitude d'avoir toujours réussi dans |
| |ses entreprises. Aussi, quoique de mœurs faciles et molles en apparence, monsieur Grandet avait-il un caractère de bronze. Toujours vêtu de la même |
|10 |manière, qui le voyait