Baudelaire : la cloche fêlée
Extrait étudié :
La cloche fêlée
INTRO : Ce sonnet irrégulier, extrait de Spleen et Idéal, exprime de façon tragique la malédiction du poète Derrière la double allégorie de l’hiver, saison dévolue au spleen et à la souffrance, et de la cloche, qui symbolise explicitement l’âme, c’est une confession sur l’impuissance créatrice qui se cache.
I° AVANT LA CREATION : rêverie et méditation.
1) La rêverie
Le poème commence, comme dans Chant d’automne, par adopter un ton général, avant d’y opposer une focalisation intime. « Il est amer et doux », « Les nuits d’hiver » : le poète considère cette scène comme étant de portée universelle. Pourquoi ? Parce que l’hiver, accentué par le pluriel de ses « nuits », est la saison du spleen ; la saison du froid, de la souffrance, dont il faut se protéger.
Protection apportée, dans cette première strophe, par une image, au double sens du terme, de foyer : le « feu », mais aussi la maison, protègent de l’hiver. Abri de la maison, dont Julien Gracq dit que c’est une des figures essentielles de la poésie baudelairienne : la maison, c’est l’intériorité, l’introspection ; bref, le moi qui s’oppose au monde, hostile. En effet, dans cette maison, au bord de ce feu, on « écoute les souvenirs ». Pourquoi « écouter » ? Constatons l’allitération en « p » et « f », qui font une véritable harmonie imitative : ce sont les craquements et les sifflements du feu que nous entendons ici. Oui, Baudelaire, fasciné par le feu, est plongé dans une rêverie hypnotique, au cours de laquelle remontent ses « souvenirs lointains ». Encore une fois, c’est ici un thème très proprement baudelairien : le passé donne de la joie, parce que le passé est strictement intérieur, tandis que le présent consiste à affronter l’extériorité, le monde. L’allitération en « l » du vers 3 exprime la fluidité de cette danse des souvenirs, provoquée par la rêverie, et associée aux volutes de la