Baudelaire l' ennemi
Traversé çà et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
- O douleur! ô douleur! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
Charles Baudelaire
Annonce des de l'analyse linéaire
Etude
Premier quatrain
Il se compose de deux parties complémentaires délimitées par la ponctuation (vers 1-2 et vers 3-4). A l'évocation de la jeunesse fait suite un bilan décourageant.
La caractérisation de la jeunesse passée : la jeunesse est présentée comme ponctuée par une alternance d'ombre et de lumière (« çà et là », « ténébreux », « brillant »). Cette alternance est métaphoriquement celle de l'espoir et du désespoir, des élans vers l'idéal et du poids du spleen.
Le bilan décourageant est souligné par le passé composé « on fait » (vers 3) et par la proposition de conséquence. C'est le résultat d'une jeunesse orageuse. La métaphore se poursuit dans l'image du jardin (la vie) dévasté et presque entièrement dépouillé de ses productions comme en automne.
L'idée d'alternance soleil / pluie est soulignée par la ponctuation forte (« ; » et « . »).
Deuxième quatrain
Il s'ouvre sur une constatation résignée qui apparaît comme la conséquence (« Voilà que », vers 5) sur le plan de la pensée de la première strophe. C'est un résultat donné en deux étapes successives (« voilà que »... « et que », vers 5 et 6).
Il fait apparaître une suite chronologique (l'automne après l'été). L'image du jardin est prolongée et aggravée (dévastation et