Becket en attendant
Au creux du réceptacle salvateur, juste avant la furie grondante des eaux cannibales, on peut alors rapidement l'entrevoir, fugitivement. Nos moeurs ne nous encouragent guère à sa contemplation prolongée.
Elle gît, telle une panse de noyée. Du cadavre, elle en a déjà le comportement et les émanations.
Les vagues la meuvent avec infiniment de douceur, et elle tangue avec grâce, d'un bord à l'autre de la cuvette nacrée. Parfois ronde et obèse, parfois souple et longiligne, ou bien même flasque et épuisée d'avoir trop bu, irisée, ocre, brune, constellée de pierreries coloriées de rouge, de noir ou de vert, elle se démène nonchalamment à la surface d'une mer bleue et odorante.
Il est difficile de capter son identité propre, car tout est fait pour la dissimuler à nos regards, comme à nos narines : l'opacité blanche de la cuve, tout d'abord, ourlée vers l'intérieur, et la pente qui entraîne déjà à demi la masse pondue vers l'obscurité du tuyau; et la couleur de l'eau, parfois même moussue, la plus éloignée possible de la réalité animale; puis l'odeur entêtante et synthétique qui s'en dégage.
La chose faite, l'acte pleinement accompli, il est même possible à l'homme d'abattre sans attendre le couvercle funéraire sur le forfait, rendant la chose invisible avant même d'y avoir jeté un oeil !
La crotte, que dis-je : la merde, n'a plus alors qu'à suivre le courant.
Ainsi en est-il des individus sur