Benichou
- Paul BENICHOU, 1988 -
Cet essai de Paul Bénichou, professeur de littérature française, s’attache à retracer les divers courants moraux traversant le 17e siècle, en explicitant les relations entre conditions sociales et conditions morales, la dépendance réciproque entre littérature et société.
Pour résumer brièvement, le 17e siècle a connu trois morales : une « morale héroïque, qui ouvre un passage de la nature à la grandeur » (avec un auteur comme Corneille notamment), une « morale chrétienne rigoureuse qui donne au néant la nature humaine tout entière » (Pascal et le jansénisme), et une « morale mondaine à la fois sans illusions et sans angoisses qui nous refuse la grandeur sans nous ôter la confiance » (Molière).
Si l’on peut sans doute voir dans l’évolution de ces trois courants, et des mentalités de manière plus générale, une tendance au triomphe de l’intérêt au 17e siècle, à l’avènement de l’utilitarisme comme recherche rationnelle du maximum de plaisir, il ne faut pas négliger la complexité de cette évolution, avec ses résistances, et les diverses critiques opposées à l’axiomatique de l’intérêt.
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Paul Bénichou étudie d’abord l’œuvre de Corneille, qui par ses aspects archaïques, semble constituer une résistance au triomphe de l’intérêt.
Corneille en effet incarne une morale « héroïque », correspondant à l’attitude glorieuse des héros cornéliens offerts en modèles au public. La « gloire » du héros cornélien se définit comme « étalage des puissances du moi », comme «grandissement moral de l’orgueil et de l’amour », elle est donc satisfaction des désirs, orgueil qui se donne en spectacle, mais elle exige aussi mesure et sagesse (générosité, clémence). Cette forme de « morale » correspond à un modèle archaïque, aux vieux thèmes moraux de l’aristocratie féodale (bravade, magnanimité, dévouement, amour idéal…), et l’on voit que cette « vertu » noble n’exige