bestiaire
Cours d'OC – Une brève histoire des animaux
AC – 2007-2008
PASTOUREAU 2002
Le bestiaire des fables de La Fontaine (1668-1694)
Entre 1668 et 1694, Jean de La Fontaine publia deux cent trente-huit fables regroupées en trois recueils. Une bonne cinquantaine acquirent peu après leur parution une grande renommée et certaines furent enseignées aux enfants, notamment dans les collèges des Oratoriens, dont La Fontaine avait été l'élève. Au siècle suivant, quelques esprits chagrins (ou jaloux) trouvèrent un tel enseignement injustifié. Jean-Jacques Rousseau se rangea vigoureusement de leur côté. Dans une page célèbre de son traité d'éducation Emile (livre I, chapitre II), où il analyse presque mot à mot Le corbeau et le renard, Rousseau demande avec ironie «qu'est-ce qu'un phénix des hôtes de ces bois ?» ; puis il tente de montrer, avec une certaine mauvaise foi, que cette fable est inintelligible pour un enfant. Emporté par son souci de prouver que les fables de La Fontaine sont obscures et immorales, il en vient même à s'interroger sur la nature du fromage lâché par le corbeau, puis à poser cette question absurde : «qu'est-ce qu'un corbeau ?». Comme souvent lorsqu'il se fait polémiste, Rousseau pousse ses critiques trop avant, et aux observations judicieuses finissent par se mêler des objections malvenues.
S'il est vrai que l'image du phénix est au XVIIe siècle quelque peu précieuse et que les vers de La Fontaine ne sont pas toujours limpides pour un jeune enfant, la faune que les trois livres de fables mettent en scène, en revanche, ne présente aucun problème d'identification. Il s'agit pour l'essentiel d'animaux «familiers», les uns domestiques, les autres sauvages, la plupart indigènes, quelques-uns exotiques. Tous font partie du bestiaire le plus ordinaire de la culture occidentale depuis une antiquité reculée, même ceux qui, tels le lion ou l'éléphant, ne se rencontrent pas sur le sol de la vieille Europe. Ce sont des familiers de