Alors que beaucoup de bibliothèques occupent la surface d'une pièce, peut-être deux, ou peut-être un appartement, celle dont je vais vous parler s'étale sur deux continents au moins, et son propriétaire est étonnant.
Elle a dû voir le jour à ses dix ans peut-être, dans son pays natal à lui, le Brésil, dans la maison de mes grands-parents. Peut-être a-t-elle d'abord occupé sa chambre, peut-être a-t-elle tout de suite envahi le salon? Aujourd'hui, quoi qu'il en soit, elle encadre la télévision du séjour, remplissant à craquer de pauvres étagères en bois. Dans cette même maison, une salle, au sous-sol, est consacrée exclusivement à cette bibliothèque, faveur qui n'a pas été accordée aux quatre frères et soeurs de son propriétaire, et qui pourtant, n'a jamais suscité la moindre incompréhension ou jalousie, car tout le monde l'a toujours su : "il était dingue de livres". Dans ce sous-sol, des étagères en fer remplissent la salle, parce qu'elle ne se sont pas contentées de couvrir les murs, elle sont partout : si elles avaient été des lits, la pièce aurait été un dortoir capable d'accueillir une colonie de vacances. Elles atteignent le plafond, et on peut voir deux rangées de livres de chaque côté d'elles, de manière à ce que chacun y trouve sa place. Des livres de philosophie, de cinéma, d'art, de littérature universelle, tous sont là : l'important n'est pas leur langue, l'important est leur grandeur, disait-il, car on trouve toujours des traducteurs. De petites étiquettes soigneuses sont collées partout sur les meubles, pour que le maître des lieux sache toujours s'y retrouver.
En venant en France, il a apporté un tiers de ses livres les plus précieux. Quatre, cinq ans après son arrivée, nous recevions toujours régulièrement des cartons remplis, expédiés par bateau ou par avion, par sa famille, et donc la mienne. Des livres qui lui avaient manqué, qu'il avait réclamé, et qu'il recevait et retrouvait avec une joie fort particulière. Sa bibliothèque avait alors envahi