Blame ou eloge
Ô soldats de l’an deux3 ! ô guerres ! épopées !
Contre les rois tirant ensemble leurs épées,
Prussiens, Autrichiens,
Contre toutes les Tyrs et toutes les Sodomes4,
Contre le tzar du Nord, contre ce chasseur d’hommes
Suivi de tous ses chiens,
1. Ville des Ardennes où le 2 septembre 1870 l’armée de Châlons, sous les ordres de Mac-Mahon, auprès de laquelle se trouvait celle de Napoléon III, fut battue par les
Prussiens. Cette défaite française entraîna la journée révolutionnaire du 4 septembre 1870 (chute du Second Empire et proclamation de la IIIe République).
2. Ce titre est ironique.
3. L’an deux correspond à la deuxième année après la Révolution française : 1790.
4. Villes maudites de l’Ancien Testament.
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Contre toute l’Europe avec ses capitaines,
Avec ses fantassins5 couvrant au loin les plaines,
Avec ses cavaliers,
Tout entière debout comme une hydre6 vivante,
Ils chantaient, ils allaient, l’âme sans épouvante
Et les pieds sans souliers !
Au levant, au couchant, partout, au sud, au pôle,
Avec de vieux fusils sonnant sur leur épaule,
Passant torrents et monts,
Sans repos, sans sommeil, coudes percés, sans vivres,
Ils allaient, fiers, joyeux, et soufflant dans des cuivres
Ainsi que des démons !
La liberté sublime emplissait leurs pensées.
Flottes prises d’assaut, frontières effacées
Sous leur pas souverain,
Ô France, tous les jours c’était quelque prodige,
Chocs, rencontres, combats ; et Joubert sur l’Adige7,
Et Marceau sur le Rhin7 !
On battait l’avant-garde, on culbutait le centre ;
Dans la pluie et la neige et de l’eau jusqu’au ventre,
On allait ! en avant !
Et l’un offrait la paix, et l’autre ouvrait ses portes,
Et les trônes, roulant comme des feuilles mortes,
Se dispersaient au vent !
Oh ! que vous étiez grands au milieu des mêlées,
Soldats ! l’oeil plein d’éclairs, faces échevelées
Dans le noir tourbillon,
Ils rayonnaient, debout, ardents, dressant la tête ;
Et comme les