Bon beurs et mauvais beurs
Bons et mauvais beurs : Momo contre Ali Hélène Jaccomard
En France, de nombreuses voix, qu’elles soient d’ordre médiatique, journalistique ou littéraire, se font concurrence au sujet des enfants issus de l’immigration maghrébine. Les représentations dominantes stéréotypent les beurs1 en tant que jeunes2 de banlieue pris entre deux cultures, gérant avec difficulté leurs conditions socio-culturelles marginales et leurs appartenances duelles, française et maghrébine, chrétienne et musulmane, jeunes susceptibles, de plus, de tomber sous la coupe d’extrémistes et terroristes islamistes. La question beur3 traitée de l’intérieur est, en règle générale, jugée comme la remise en cause de ces discours dominants sur les marginaux que sont censés être les beurs, et, par voie de conséquence, comme une prise en compte des identités plurielles, contradictoires, autres, hybrides, hétérogènes qui constituent la France contemporaine. Tel le manifeste vivant d’une nation métissée, les écrivains beurs vont au-delà des manichéismes. Ils dépeignent des identités protéennes4 en mal d’émancipation, mais enracinées entre l’histoire coloniale et un présent intolérant, voire intolérable. Il s’agit d’un corpus suffisamment large (entre quatre-vingts et cent textes, suivant les critères d’inclusion) pour y déceler des thématiques communes, telles la quête d’une identité hybride du sujet beur douloureusement, mais parfois aussi fructueusement, situé dans un tiers-espace5 culturel, dénonçant l’injustice faite à ses parents et à lui/elle-même en matière d’emploi, de scolarité, de mobilité sociale, de citoyenneté, de préjugés et de discriminations diverses… Les constantes de ces récits à forte connotation autobiographique n’interdisent pas la pluralité. Ainsi on y lit des discours ambivalents sur le désir de s’intégrer ou de se révolter, l’affirmation ou, au contraire, la négation d’un éventuel tiraillement