Bonheur et richesse
PAUVRETÉ, RICHESSE ET BONHEUR
Jean-Christian Lambelet[1]
Au proverbe affirmant que « l’argent ne fait pas le bonheur », le poète répond qu’« il n’est trésor que de vivre à son aise »[2]. Cette divergence sur le lien, négatif ou positif, entre richesse et bonheur traverse toute l’histoire connue de l’humanité.
Religion, philosophie, morale
Du côté de l’austérité, de l’ascétisme et, plus généralement, de la vie simple comme voies vers la félicité, on trouve – entre autres – la tradition des moines errants dans l’Inde antique, les Śramanas ou Samanas ; à la même époque, Gautama Bouddha et le bouddhisme ; l’école épicurienne qui, contrairement à son image courante, préconisait la maîtrise des appétits et une existence modeste ; le Jésus des Évangiles prêchant « Ne vous amassez point de trésors sur la terre (…), mais amassez-vous des trésors dans le ciel »[3] ; Saint François d’Assise et les Franciscains ; diverses sectes religieuses comme les Quakers, les Puritains, les Amish ou les Mennonites ; des écrivains, philosophes, maîtres à penser ou figures emblématiques tels Jean-Jacques Rousseau, Henry David Thoreau, John Ruskin, le Léon Tolstoï tardif, Rabindranath Tagore, le Mahatma Gandhi, Ivan Illich, Jacques Ellul et bien d’autres encore. Depuis son émergence dans les années 1970, le mouvement environnementaliste et sa dénonciation de la société de consommation participent aussi clairement de ce refus opposé à la richesse matérielle comme voie vers le bonheur.
Dans l’autre camp, celui du matérialisme au sens le plus large, on trouve entre autres Karl Marx et les marxistes, lesquels ne mettaient pas en doute le caractère positif de la finalité de l’activité économique, à savoir la production de biens et de services, s’attaquant plutôt au mode de production dit capitaliste et à la distribution des fruits de cette production. Mais dans ce camp on trouve aussi la « synthèse néoclassique »