Bonheur
1) Le droit naturel
Il suffit d'entrer dans le premier bistrot venu pour s'apercevoir que la moralité du droit occasionne des débats passionnés. Les citoyens réagissent à l'existence de la loi, et querellent quant à son contenu. Même votées et promulguées, les lois abolissant la peine de mort ou légalisant l'avortement continuent de provoquer des affrontements.
Pourtant, cet état de fait paraît extrêmement curieux. Si le droit déterminait tout entier notre morale, une loi en vigueur ne générerait aucune discussion. Nous devons donc supposer qu'il existe, indépendamment et antérieurement à la loi, un certain nombre de principes moraux qu'on appelle habituellement "conscience morale".
Même frustre ou approximative, cette conscience valorise, spontanément semble-t-il, nos actions en bien ou en mal. Un enfant qui escalade l'armoire à confitures, ou même un chien qui dérobe un pâté en cuisine, présentent des comportements furtifs, indices de leur mauvaise conscience.
On peut dire alors, avec Aristote, qu'il existe, en deçà des droits positifs de chaque pays, un "droit naturel", ensemble de principes moraux innés propres à régir les rapports humains, même hors d'une société ou d'un pays. Dans la mesure où ce droit naturel est inné, il faut croire que tous les droits positifs le reflètent en quelque manière : et en effet, certaines prescriptions légales paraissent universelles (sauf cas de force majeure ou de nécessité), ainsi la prohibition de l'inceste ou du meurtre. Lorsqu'il est conforme au droit naturel, le droit positif s'impose de lui-même très facilement, puisque chaque citoyen (ou du moins la très grande majorité des