Brassens
Qu'on fume à l'aube démocrate
Et le remords des cous-de-jatte
Avec la peur qui tend la patte
Le ministère de ce prêtre
Et la pitié à la fenêtre
Et le client qui n'a peut-être
Ni Dieu ni maître
Le fardeau blême qu'on emballe
Comme un paquet vers les étoiles
Qui tombent froides sur la dalle
Et cette rose sans pétales
Cet avocat à la serviette
Cette aube qui met la voilette
Pour des larmes qui n'ont peut-être
Ni Dieu ni maître
Ces bois que l'on dit de justice
Et qui poussent dans les supplices
Et pour meubler le sacrifice
Avec le sapin de service
Cette procédure qui guette
Ceux que la société rejette
Sous prétexte qu'ils n'ont peut-être
Ni Dieu ni maître
Cette parole d'Evangile
Qui fait plier les imbéciles
Et qui met dans l'horreur civile
De la noblesse et puis du style
Ce cri qui n'a pas la rosette
Cette parole de prophète
Je la revendique et vous souhaite
Ni Dieu ni maître !
Cette chanson, née en 1964, dénonce l'inhumanité de la peine de mort, la peur ressentie par le condamné, l'ironie de l'acte de mettre fin à une vie légalement comme si la justice avait le droit d'user de la loi du Talion.
Cette chanson est sortie à une époque où il était question d'abolir la peine de mort. Georges Brassens avait déjà écrit en 1952 la chanson "Gare au gorille" sur le même thème, et tous les deux participent en 1972 à une grande campagne contre la peine de mort.
En 1968, les jeunes redescendus des barricades reprennent cette chanson anarchiste, pour crier leur colère contre les injustices.
Si les mots sont choisis avec soin, ils sont assez difficiles à comprendre à la première écoute ou à la première lecture.
Ni Dieu ni Maître, cette locution libertaire de Louis-Auguste Blanqui est devenue le slogan des anarchistes. Léo Ferré l'intègre à plusieurs reprises dans sa chanson, en fin de strophe pour marquer sa lutte.
Les "cous-de-jatte" est un mot dérivé ironiquement de "cul-de-jatte" pour insister sur le côté