Céline Voyage au bout de la nuit
LOUIS-FERDINAND CÉLINE
VOYAGE
AU BOUT DE LA
LA NUIT roman ÉDITIONS DENOËL
1
VOYAGE
AU BOUT DE LA
LA NUIT
Ceux qui trouvent sans chercher, sont ceux qui ont longtemps cherché sans trouver.
Un serviteur inutile, parmi les autres.
Scan, ORC
John Doe
Correction, mise en page
Septembre 2010
LENCULUS
Pour la Librairie Excommuniée Numérique des CUrieux de Lire les USuels
A E l i z a b e t h C r a i g [1]
Notre vie est un voyage
Dans l’hiver et dans la Nuit,
Nous cherchons notre passage
Dans le Ciel où rien ne luit.
Chanson des Gardes Suisses 1793 [2]
Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force.
Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C’est un roman, rien qu’une histoire active. Littré le dit, qui ne se trompe jamais.
Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux.
C’est de l’autre côté de la vie.
1 — Élisabeth Craig : Elizabeth Craig (1902-1989), danseuse américaine que Céline avait connue à Genève en 1926, et avec laquelle il vécut, à Paris, jusqu’en 1933.
2 — Chanson des Gardes Suisses, 1793 : œuvre d’officiers d’un régiment suisse allemand de l’armée napoléonienne. Sur le point de mourir, ils la chantèrent devant la Berezina. C’était pendant la retraite de Russie, en 1812. Il ne s’agit donc pas des Gardes suisses de la maison du roi de France sous l’Ancien Régime, qui furent massacrés lors de la bataille des Tuileries, en 1792.
Ça a débuté comme ça. Moi, j’avais jamais rien dit. Rien. C’est Arthur Ganate qui m’a fait parler. Arthur, un étudiant, un carabin lui aussi, un camarade. On se rencontre donc place Clichy. C’était après le déjeuner. Il veut me parler. Je l’écoute. « Restons pas dehors ! Qu’il me dit. Rentrons ! » Je rentre avec lui. Voilà. « Cette terrasse, qu’il commence, c’est pour les œufs à la coque ! Viens par ici ! »