- De tous les contes voltairiens Candide reste aujourd'hui l'oeuvre la mieux connue et peut-être la plus lue. Pourtant, ce court récit est l'un des plus violents et des plus pessimistes (quel que puisse être le dénouement) que Voltaire ait jamais écrit. Le monde que traversent en effet Pangloss et son élève apparaît comme le vaste théâtre d'un chaos où les hommes deviennent des marionnettes soumises à la violence et à la cruauté d'une fatalité qu'ils désespèrent de pouvoir identifier. Ainsi, lorsque nous parvenons au chapitre 6, intitulé « _Comment on fit un bel auto-da-fé pour empêcher les tremblements de terre et comment Candide fut fessé », _ce même Candide a déjà connu toutes les violences de la guerre, le château d'où il a été chassé vient d'être dévasté, ses amis éventrés, lui s'est échappé d'une armée où il avait été enrôlé de force ; et quand il arrive à Lisbonne, c'est pour apprendre que la ville a été ravagée par un terrible tremblement de terre. Mais dans ce monde chaotique, outre ces marionnettes humaines, on rencontre aussi des fantoches, des personnages prêts à tout pour rétablir un simulacre d'ordre {civil, moral, religieux ou intellectuel) et c'est sur eux que Voltaire concentre son tir et la virulence de ses critiques qu'appuie un humour grinçant. I. SOUS L'ORDRE APPARENT DU RECIT, LE CHAOS DU MONDE Le tremblement de terre Le tremblement de terre qui détruisit effectivement Lisbonne en 1755 devint pour les hommes des Lumières le symbole même du désastre absurde et révoltant remettant définitivement en cause la Divine Providence. Dans _Candide, il s'agit d'un désastre parmi d'autres (la destruction du château dont « il n'est pas resté pierre sur pierre », chapitre 4) qui s'inscrit dans une « logique » de la destruction, mais ce désastre donne à la page et au chapitre 6 son unité puisqu'il s'ouvre sur « Après le tremblement de terre _qui avait détruit... » et s'achève par « Le même jour, la terre trembla de nouveau avec un