Je ne me suis jamais bien entendue avec mon père. Il avait toujours cette façon de regarder les gens qui faisait croire qu'il était le maître du monde, surtout avec les femmes. Il a toujours pensé que les femmes étaient sur terre pour un seul but : servir les hommes. Pour lui et pour presque tous les hommes, les femmes seront toujours têtues, futiles, dépensières, narcissiques et, pour couronner le tout, ce sont de grandes manipulatrices, et elles mènent les hommes au péché et à la dépravation ....Moi, je n'étais pas d'accord. Comme je vivais dans le monde cloitré de mon père, je pensais être la seule, tout au moins au début. Je fréquentais tous ses amis qui partageaient ses idées. J'ignorais donc que, partout en France, des femmes se battaient pour l'égalité des sexes, je l'ignorais jusqu'à aujourd'hui.

Nous sommes le 3 Janvier 1965. Elisabeth est venue me chercher à la maison en prétextant une sortie en ville. J'ai tout de suite vu à son excitation qu'il se passait autre chose, et une fois dehors, elle m'a expliqué qu'en ville c'était la folie, que des femmes s'étaient regroupées et manifestaient. La raison de cette agitation lui échappait, et quand je voulus en savoir plus, elle m'entraîna en direction du centre-ville. Dix minutes plus tard nous avons commencé à entendre des cris, nous avons accéléré le pas et en tournant au coin de rue suivant, nous sommes tombées sur la foule. Quand j'y pense maintenant ça n'avait rien d'extraordinaire, après tout ce n'était qu'une petite manifestation locale, mais sur le coup je me suis sentis entrainée. Chaque femme avait une pancarte sur laquelle était écrit des slogans portant, apparemment, sur l'activité professionnelle des femmes. Et devant, un oratrice dirigeait le mouvement. C'était Louise Dumarchais, professeur de français dans notre lycée... Je l'ai eue en première en philo et je me souviens de son énergie à défendre les causes des féministes. C'est une femme svelte d'un certain âge, qui inspire le respect et qui