casa 2014
Au reste, je n'y avais fait aucune attention. Je tournais le dos à la porte, assis devant la table ; je tâchais de rafraîchir mon front avec ma main, et mes pensées troublaient mon esprit.
Un léger coup, frappé sur mon épaule, m'a fait tourner la tête. C'était le nouveau gendarme, avec qui j'étais seul.
Voici à peu près de quelle façon il m'a adressé la parole.
- Criminel, avez-vous bon cœur ?
- Non, lui ai-je dit.
La brusquerie de ma réponse a paru le déconcerter. Cependant il a repris en hésitant :
- On n'est pas méchant pour le plaisir de l'être.
- Pourquoi non ? ai-je répliqué. Si vous n'avez que cela à me dire, laissez-moi. Où voulez-vous en venir ?
- Pardon, mon criminel, a-t-il répondu. Deux mots seulement. Voici. Si vous pouviez faire le bonheur d'un pauvre homme, et que cela ne vous coûtât rien, est-ce que vous ne le feriez pas ?
J'ai haussé les épaules.
-Est-ce que vous arrivez de Charenton1 ? Vous choisissez un singulier vase2 pour y puiser du bonheur. Moi, faire le bonheur de quelqu'un !
Il a baissé la voix et pris un air mystérieux, ce qui n'allait pas à sa figure idiote.
- Oui, criminel, oui bonheur, oui fortune. Tout cela me sera venu de vous. Voici. Je suis un pauvre gendarme. Le service est lourd, la paye est légère ; mon cheval est à moi et me ruine. Or je mets à la loterie pour contre-balancer. Il faut bien avoir une industrie. Jusqu'ici il ne m'a manqué pour gagner que d'avoir de bons numéros. J'en cherche partout de sûrs ; je tombe toujours à côté. Je mets le 76 ; il sort le 77. J'ai beau les nourrir3 ils ne viennent pas...- Un peu de patience, s'il vous plaît, je suis à la fin. - Or voici une belle occasion