cauchemar en jaune
Il n'avait négligé aucun détail, il en était au stade de la récapitulation finale. À vingt heures quarante-six, il serait libre, dans tous les sens du mot. Il avait fixé ce moment parce qu'aujourd'hui il allait fêter son quarantième anniversaire et que c'était l'heure exacte de sa naissance. Sa mère, passionnée d'astrologie, lui avait souvent rappelé la minute précise de sa naissance. Lui-même n'était pas superstitieux, mais cela flattait son sens de l'humour de commencer sa nouvelle vie à quarante ans, à une minute près.
De toute façon, le temps travaillait contre lui. Homme de loi spécialisé dans les affaires immobilières, il voyait de très grosses sommes passer entre ses mains; une partie y restait. Un an auparavant, il avait « emprunté » cinq mille dollars, pour les placer dans une affaire sûre, qui allait doubler ou tripler la mise2
, mais il perdit la totalité. Il « emprunta » un nouveau capital, pour diverses spéculations3 , et rattraper sa perte initiale. Et il avait maintenant environ trente mille dollars de retard ; le trou ne pouvait guère être dissimulé plus de quelques mois et il n'avait pas le moindre espoir de le combler en si peu de temps. Il avait donc résolu de collecter le maximum d'argent liquide sans éveiller les soupçons, en vendant diverses propriétés. Dans l'après-midi il disposerait de plus de cent mille dollars, plus qu'il ne lui en fallait jusqu'à la fin de ses jours.
Et jamais il ne serait pris. Son départ, sa destination, sa nouvelle identité, tout était prévu et fignolé, il n'avait négligé aucun détail. Il y travaillait depuis des mois.
Sa décision de tuer sa femme, il l'avait prise un peu après. Le mobile était simple : il la détestait.
Mais c'est seulement