Ce jour de "grasse"
Ma mère sentait plutôt, pendant des années avant l’arrêt de la cigarette, un mélange d’eau de Cologne aux notes prononcées d’agrumes, de Ricoré et de tabac froid. J’aimais cette odeur acidulée, sucrée et sèche à la fois. Je pouvais même savoir avec assurance si elle était venue dans ma chambre pendant mon absence, tant elle laissait des bouts de son voile, partout dans l’air…
Je me méfie de ceux qui n’ont pas « d’odeur » ou qui change de parfums selon la mode de ce vêtement de peau.
Suivre cette formation chez Fragonard, près de Grasse, fièrement appelée « La capitale des parfums », a ressuscité mon odorat. La passion de notre professeur ? La richesse des huiles essentielles proposées à l’essai ? Le prestige de me trouver dans une si belle maison ? Tous mes sens se sont concentrés au niveau de mon nez, disséquant, analysant les odeurs de tête parfois violentes, puis celles de cœur plus subtiles et enfin celles de fond, révélant le dénominatif écrit sur la petite fiole en verre devant moi.
Très longtemps, surtout à Paris, mon nez s’était refermé sous l’assaut des pots d’échappements et des agressions olfactives diverses. Celle de la sueur les jours de canicule, dans le métro, celle des poubelles amassées aléatoirement dans des coins perdus que les aventuriers de la municipalité n’avaient pas encore dû explorer… Celle aussi de la cuisine du voisin qui embaumait mes 28 m2 en quelques secondes à peine, nuits de curry, nuits de folie…