Robert DEBRÉ - L'irrationnel et la peur du futur (Ce que je crois, 1974). Au cours des siècles passés régnait la croyance aux sorciers, la confiance dans les charlatans, les diseurs de bonne aventure, les astrologues, les visionnaires. Au cours du XVIIIème siècle, et du XIXème siècle, le développement de l'esprit critique diminua leur influence et souvent on en riait. Voici qu'à présent, il est de bon ton de ne pas accepter les justes méthodes, les démonstrations rationnelles et les expériences valables de la science « officielle », c'est-à-dire de la vraie science, mais de lui opposer les succès de ceux qui guérissent des maux incurables par l'imposition des mains ou l'ingestion d'une tisane bien composée. L'hypnotisme et le somnambulisme renaissent. Aux efforts difficiles de la psychologie pour acquérir les caractères d'une science, on oppose la parapsychologie et ses fantaisies. Des chimères se mêlent aux sottises. La radio et la télévision prédisent à chacun son avenir personnel, ses difficultés d'argent, ses peines de cœur et toutes les aventures de sa vie en lui rappelant qu'il est né sous l'influence d'une constellation ou d'un astre. [...] Comme dans toutes les basses époques, c'est la diffusion de cette crédulité qui manifeste la défaite du bon sens et de la raison. Même chez certains qui se disent ou se croient éclairés, cet appel à l'irrationnel se propage. Point d'effort pour comprendre — il n'est pas toujours simple d'y parvenir —, mais plutôt la recherche d'un refuge vers les mystères ou l'abri que procure une crédibilité qui va souvent jusqu'à la sottise. Quel succès pour les soucoupes volantes ! Enquêtes, interrogations de témoins, interprétations naïves remplissent parfois les colonnes des journaux et occupent des heures d'émissions radiophoniques. Certains paysans éprouvaient encore au XIXème siècle la crainte des feux follets qui dans la nuit les poursuivaient lorsqu'ils couraient autour de la Mare au Diable, alors que déjà on savait que