chapitre 5 nana zola
— Est-ce qu’il est arrivé ? demanda Prullière, qui entra, dans son costume d’Amiral suisse, avec son grand sabre, ses bottes énormes, son plumet immense.
— Qui ça ? dit Simonne sans se déranger, riant à la glace, pour voir ses lèvres.
— Le prince.
— Je ne sais pas, je descends… Ah ! il doit venir. Il vient donc tous les jours !
Prullière s’était approché de la cheminée, qui faisait face à la console, et où brûlait un feu de coke ; deux autres becs de gaz y flambaient, largement. Il leva les yeux, regarda l’horloge et le baromètre, à gauche et à droite, que des sphinx dorés, de style empire, accompagnaient. Puis, il s’allongea dans un vaste fauteuil à oreillettes, dont le velours vert, usé par quatre générations de comédiens, avait pris des tons jaunes ; et il resta là, immobile, les yeux vagues, dans l’attitude lasse et résignée des artistes habitués aux attentes de leur entrée en scène.
Le vieux Bosc venait de paraître à son tour, traînant les pieds, toussant, enveloppé d’un ancien carrick jaune, dont un pan, glissé d’une épaule, laissait voir la casaque lamée d’or du roi Dagobert. Un instant, après avoir posé sa couronne sur le piano, sans dire une parole, il piétina, maussade, l’air brave homme pourtant, avec ses mains qu’un commencement d’alcoolisme agitait ; tandis qu’une longue barbe blanche donnait un aspect vénérable à sa face enflammée d’ivrogne. Puis, dans le silence, comme une giboulée fouettait les vitres de la grande fenêtre carrée, qui s’ouvrait