L’ART ET LA TECHNIQUE

1. Pourquoi opposer l’art et la technique
« Des goûts et des couleurs, ça ne se discute pas » : bien des gens considèrent que l’art ne peut être l’objet d’aucune discussion sérieuse puisque « chacun a ses goûts », par définition subjectifs. Par opposition, le domaine de la technique serait le lieu d’une objectivité liée à l’efficacité pratique.
La Grèce antique ne différenciait pas l’art de la technique, utilisait le même mot technè (qui a donné technique) pour désigner tout ce qui résulte d’une production humaine, aussi bien dans le cadre de l’artisanat et des métiers que dans celui des beaux-arts. Plus tard, le latin ars renverra tout autant à la recherche de la beauté artistique qu’au savoir-faire et à la technique. De nos jours, l’Ecole des arts et métiers ne dispense pas de cours de peinture mais enseigne à des ingénieurs la maîtrise théorique et pratique de leurs techniques. Si le monde moderne distingue, dans les mots comme dans la pratique, l’art de la technique, peut-on vraiment opposer ces deux formes essentielles de l’activité des hommes ?

2. La technique caractérise-t-elle une société ?
L’existence de technique est liée à la situation de l’homme et à sa place dans la nature : sa fragilité le contraint à agir et produire pour compenser cette faiblesse originelle. La technique, à la différence de l’art, est solidaire d’une nécessité biologique et dirigée vers une fin utilitaire. Son usage permet d’adapter la nature aux besoins des hommes et de la transformer efficacement. Il ne faudrait pourtant pas réduire la technique à une fabrication d’outils. La natation ne suppose aucun instrument matériel mais plutôt « une manière de faire » propre à un groupe : on n’apprend pas à nager de la même façon d’un bout à l’autre de la planète, ni d’un siècle à un autre.
En outre, la conception de l’outil s’inscrit dans une longue durée : il faut des générations pour modifier la forme d’un arc ou le modèle d’une cabane traditionnelle.