Chaplin
Dans ce texte écrit en 1918, Chaplin s'explique sur ses techniques burlesques : exploiter le ridicule, observer des scènes de la vie quotidienne, provoquer sans cesse contrastes et surprises.
Partout où je rencontre des gens qui me demandent de leur expliquer le secret de « faire rire mon monde », je me trouve toujours mal à mon aise, et cherche généralement à me dérober. Il n'y a pas plus de mystère dans mon comique sur l'écran qu'il n'y en a dans celui d'Harry Lauder pour faire rire son public. Il se trouve que tous les deux nous savons quelques vérités simples sur le caractère de l'homme et dont nous nous servons dans notre métier. Et, quand tout est dit et fait, au fond de tout succès il n'y a qu'une connaissance de la nature humaine, qu'on soit marchand, hôtelier, éditeur ou acteur. Le fait sur lequel je m'appuie plus que sur tout autre, par exemple, est celui qui consiste à mettre le public en face de quelqu'un qui se trouve dans une situation ridicule et embarrassante.
Le seul fait d'un chapeau qui s'envole n'est pas risible. Ce qui l'est, c'est de voir son propriétaire courir après, ses cheveux au vent, et les basques de son habit flottant. Quand un homme se promène dans la rue, cela ne prête pas à rire. Placé dans une situation ridicule et embarrassante, l'être humain devient un motif de rire pour ses congénères. Toute situation comique est basée là-dessus. Les films comiques ont eu un succès immédiat parce que la plupart représentaient des agents de police tombant dans les trous d'égout, trébuchant dans des seaux de plâtriers, tombant d'un wagon et soumis à toutes sortes de tracas. Voilà des gens représentant la dignité du pouvoir souvent très imbus de cette idée, qu'on ridiculise et dont on se moque, et la vue de leurs aventures touche deux fois plus l'envie de rire du public que s'il ne s'était agi que de simples citoyens subissant les mêmes avatars. Encore plus drôle est la personne ridiculisée qui, malgré cela, se refuse à