Charles baudelaire
Une jeunesse orageuse
« Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage
Traversé çà et là par de brillants soleils. »
Ch. Baudelaire
« L'innocent paradis »' et l'exil originel
Charles Baudelaire, parisien de naissance et lié à Paris par toutes ses fibres, a connu une petite enfance heureuse : son père, riche rentier de soixante-deux ans, amateur d'art, hérite des goûts raffinés du XVIIIe siècle : l'enfant grandit au milieu des bibelots rares, des livres, des tableaux, et conservera toute sa vie la passion, sinon les moyens de les acquérir. On peut imaginer le jeune Charles, « enfant, amoureux de cartes et d'estampes »², nourrissant sa rêverie exotique des images anciennes que lui montra son père : « glorifier le culte des images (ma grande, mon unique, ma primitive passion) », notera-t-il plus tard (Fusées, XXXVIII). La jeunesse et l'élégance de la jeune Madame Baudelaire l'auréolent auprès de son fils d'un prestige semi-divin.
L'harmonie familiale se brise avec la mort du père et le remariage rapide de la mère avec le commandant Jacques Aupick: homme d'action et d'ordre que l'enfant ne pourra jamais aimer, et qui servira au jeune homme de contre-modèle dans son choix de vie. Charles conservera le sentiment qu'en se remariant, sa mère l'a trahi : ressentiment assez fréquent chez un enfant sensible et possessif, mais qui persistera anormalement, ce remariage prenant figure, pour le poète, de chute originelle, loin du paradis de l'enfance et de l'amour.
Baudelaire y verra même une malédiction initiale, destinée à peser sur ses passions féminines ultérieures, toujours ardentes et toujours trahies.
Adolescence : solitude et tentations
Interne quelques années dans un sombre collège de Lyon (ville où le commandant Aupick est promu général), Baudelaire est ensuite mis au lycée Louis-le-Grand, lorsque la famille revient s'installer à Paris. A quinze ans, l'adolescent passe pour un sujet brillant, mais pour un condisciple farouche et