Chef d'agence
C'était avant la crise. Le bon temps. A grand renfort de slogans et de communiqués de presse, les Nations unies célébraient, en 2005, l'année internationale du microcrédit. Quelques mois plus tard, le professeur d'économie bangladais Muhammad Yunus et son organisation, la Grameen Bank, recevaient en 2006 le prix Nobel de la paix, pour avoir inventé la microfinance «moderne». Au fondement de ce double sacre, la même conviction: une révolution économique sans précédent était en cours. La micro finance se répandrait comme une potion magique et sortirait de la pauvreté les 80% des familles des pays en développement toujours exclues des services bancaires. Le monde pouvait dormir tranquille, il avait enfin trouvé la bonne réponse à la question de la pauvreté.
Depuis, l'enthousiasme du secteur s'est tassé. L'heure est la prudence. La «mode» est retombée, tranchent les mauvaises langues. La crise des subprime aux Etats-Unis, provoquée par l'endettement excessif des ménages les plus modestes, a bousculé beaucoup d'acteurs du développement dans leurs certitudes. Et la crise financière mondiale pourrait secouer, sur le terrain, bien des structures encore fragiles. Lors des précédents craquements économiques (crises mexicaine en 1995 et asiatique en 1997 surtout), le secteur avait encaissé sans broncher – continuant d'afficher une croissance vertigineuse d'environ 30% par an. Mais cette crise, d'une ampleur sans précédent depuis 1929, menace d'autant plus qu'elle «intervient à un moment où la micro finance est devenue mature et sa taille n'est plus négligeable», précise Sébastien Duquet, directeur général de PlaNet Finance. Des bailleurs moins généreux La taille de la micro finance aujourd'hui? Plus de 3.500 institutions dans le monde, pour près de 155 millions de clients, selon le dernier recensement du Microcrédit Summit Campaign. Surtout des femmes (88 millions), habitant en très grande majorité en Asie