Cocteau et le renouvellement du mythe d'oedipe
I UNE DRAMATURGIE ET UNE ESTHETIQUE NOUVELLE
1 Même si La Voix fixe dès le lever de rideau les termes du dénouement, la pièce ne s’ouvre pas sur le règne finissant d’Oedipe comme dans Sophocle. Nous assisterons à la rencontre du héros avec le Sphinx (AII), nous le suivrons à l’Acte III dans la chambre nuptiale pour ses noces incestueuses, pour renouer avec le schéma traditionnel à l’Acte IV seulement : peste sur Thèbes, arrivée du Messager, révélation du berger, issue sanglante du drame de la découverte. Une chronologie toute différente, plus dramatique que tragique, puisque nous épouserons les attentes et espoirs d’Oedipe longtemps avant la catastrophe finale. Une épaisseur romanesque nouvelle est accordée au personnage en même temps qu’une humanité plus grande par cette perspective linéaire et plus mimétique du déroulement de son destin.
Le nouveau canevas abonde en innovations : L’acte I met en scène le fantôme de Laïus apparaissant sur les remparts de Thèbes, l’acte II réinvente la rencontre mythique avec le monstre, l’acte III ose mettre quasiment en scène le tabou des amours incestueuses, le dénouement se voit adjoindre un épilogue qui détourne notablement la morale de la fable antique.
2 Le traitement du temps de l’action est très particulier : tantôt les événements sont simultanés (AI et II), tantôt longuement séparés (AIV), ou bien le temps s’arrête quasiment, adoptant une durée plus psychologique qu’événementielle (durée diluée sur le mode onirique durant l’AIII). Les lieux sont multipliés : des remparts, la campagne thébaine, une chambre, le palais, des alternances Extérieur/ Intérieur. Variété et richesse des vues et points de vue sont d’ailleurs étoffées par des effets de régie visuels et sonores que Cocteau a soigneusement consignés : lumière d’orage à l’Acte I, charivari nocturne des quartiers