Comment Phèdre remplace Thésée par Hippolyte?
On remarque d’abord un déplacement du présent au passé. En effet, un changement de temps s’opère au vers 641 (« il avait votre port, vos yeux, votre langage ») où commence l’emploi des imparfaits et des passés simples. Phèdre se remémore ses souvenirs ou ceux de sa sœur puis montre son regret et sa nostalgie par la série d’interrogations adressée au destin à partir du vers 645 jusqu’au vers 648 (« Que faisiez-vous alors ? [...] Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ? »).
C’est pourquoi à partir du vers 649, le passé n’est plus seulement évoqué, il est recomposé sous la forme conditionnelle (vers 649 : « Par vous aurait péri le monstre de la Crète ») ou sous la forme subjonctive (vers 654 : « L’amour m’en eût d’abord inspiré la pensée »). Le subjonctif a, ici, une valeur de regret. Il exprime le désir de Phèdre qu’Hippolyte soit à la place de Thésée. En effet, elle permute le père et le fils puisque c’est Thésée qui a affronté le Minotaure dans le labyrinthe dont il est question aux vers 656 et 661, et non Hippolyte. Ceci démontre implicitement le désir de Phèdre d’avoir pour époux Hippolyte et non son père Thésée.
Ensuite, l’héroïne emploie le conditionnel, notamment au vers 662 (« Se serait avec vous retrouvée, ou perdue »). Elle exprime ici un de ses rêves qui est de s’être retrouvée avec Hippolyte dans le labyrinthe, ce qui n’est pas arrivé. Cela contribue donc aussi à la dissimulation de l’aveu de ses sentiments pour son beau fils.
Ainsi, après avoir gardé si longtemps le silence sur son amour, Phèdre ne peut plus se maîtriser et laisse échapper cet aveu redoutable de façon détournée en employant plusieurs temps et modes dans son discours.