Électre, vers 680 à 763, Sophocle

Le passage que nous allons étudier se trouve à la fin du deuxième épisode. On a vu dans le prologue Oreste revenir et exposé son plan pour mener à bien sa vengeance contre Clytemnestre et Egisthe les assassins de son père. Il a chargé (au vers 50) son précepteur de se présenter au palais comme messager de la mort d’Oreste, tué dans une course de chars aux jeux pythiques. Au cours du premier épisode, le spectateur a appris par l’intermédiaire d’Électre et de sa sœur Chrysothémis que Clytemnestre et Egisthe craignent le retour d’Oreste, et qu’ils s’y attendent: d’une part des rumeurs annonçant ce retour courent de temps à autre, et d’autre part Clytemnestre a vu en songe un mauvais présage. Dans le deuxième épisode nous avons eu une scène d’agôn entre Électre et Clytemnestre, à la suite de laquelle Clytemnestre sacrifie à Apollon Lycien dans l’espoir qu’il exauce son vœu d’être débarrassée de la crainte permanente du retour de son fils. C’est à la fin de cette prière qu’entre le précepteur, porteur de la fausse nouvelle de la mort d’Oreste. Clytemnestre lui demande de lui en narrer les circonstances exactes. «dis-moi la vérité: comment a-t-il péri ?» vers 679.
Le récit de messager est presque un passage attendu dans toute tragédie, il raconte des évènements qui se sont produits et sont importants pour l’intrigue mais qu’on ne peut pas représenté sur scène soit pour des raisons simplement pratiques soit par convention de bienséance. Or ici ce récit est entièrement fallacieux, on s’interrogera donc sur les enjeux de ce long développement de la mort fictive d’Oreste.
Nous examinerons dans un premier temps la dimension épique de la description épique de la mort d’Oreste, puis nous verrons que ce passage est une glorification d’Oreste et une dramatisation de sa mort, enfin nous nous intéresserons au double destinataire de ce récit, Clytemnestre et le public et aux effets que produit l’asymétrie d’information entre les personnages