Commentaire composé extrait voyage au bout de la nuit
Si Voyage au bout de la nuit n'est pas, comme on a pu le dire, un ouvrage autobiographique, il est cependant nourri par l'expérience de Céline. Son oeuvre est ainsi un témoignage de son expérience déceptive du monde, dans laquelle la quête d'un sens n'aboutit à rien, si ce n'est à la mort.
L'extrait que nous allons étudier fait partie de l'épisode guerrier du Voyage, et le personnage de Bardamu dépeint ici le quotidien de la guerre. C'est une nuit parmi les autres qui nous est décrite; le narrateur tient d'abord des propos généraux, puis retrace le fil des tâches nocturnes d'un soldat.
Comment Céline, grâce à une écriture nerveuse, dénonce-t-il l'absurdité de la guerre au travers du ressenti du personnage de Bardamu? Le monde des tranchées est ici désigné comme un espace clos, sans espoir. Cet enfermement spatio-temporel est vécu par le protagoniste comme une persécution réelle, ce qui le mène à une révolte intérieure contre le non-sens de la vie auquel il est confronté.
L'espace de la guerre est perçu comme un espace de claustration, ce qui découle en premier lieu d'un sentiment de perte de repères spatio-temporels et psychologiques. Le personnage est perdu : on peut ainsi remarquer l'emploi des termes "à tâtons" dans le premier paragraphe. Cette perte de repères est notamment due à la fatigue des soldats: "il fallait encore la retrouver la ferme et la ruelle par où on était venus, et où on croyait bien l'avoir laissée, l'escouade" (l.26). Le texte est d'autre part marqué par une atmosphère obscure, désordonnée: "n'importe quel chaos" (l.21). De plus, la personnification "les ruelles bossues du village sans lumière et sans visage" dans le premier paragraphe opère une dépersonnalisation de l'espace; le village est indéfini, n'a pas de nom. On peut ainsi noter le groupe nominal "grange inconnue" (l.4).