la pipe
On voit, à contempler ma mine
D'Abyssinienne ou de Cafrine,
Que mon maître est un grand fumeur. Quand il est comblé de douleur,
Je fume comme la chaumine
Où se prépare la cuisine
Pour le retour du laboureur. J'enlace et je berce son âme
Dans le réseau mobile et bleu
Qui monte de ma bouche en feu, Et je roule un puissant dictame
Qui charme son cœur et guérit
De ses fatigues son esprit.
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857.
La Soupe et les Nuages Ma petite folle bien-aimée me donnait à dîner, et par la fenêtre ouverte de la salle à manger je contemplais les mouvantes architectures que Dieu fait avec les vapeurs, les merveilleuses constructions de l'impalpable. Et je me disais, à travers ma contemplation: «-- Toutes ces fantasmagories sont presque aussi belles que les yeux de ma belle bien-aimée, la petite folle monstrueuse aux yeux verts.» Et tout à coup je reçus un violent coup de poing dans le dos, et j'entendis une voix rauque et charmante, une voix hystérique et comme enrouée par l'eau-de-vie, la voix de ma chère bien-aimée, qui disait: «-- Allez-vous bientôt manger votre soupe, s... b... de marchand de nuages?»
Charles Baudelaire, Le spleen de Paris (Petits poèmes en prose), 1869. HYPERLINK "http://www.poetica.fr/poeme-446/arthur-rimbaud-le-balai/" Le balai
C’est un humble balai de chiendent, trop durPour une chambre ou pour la peinture d’un mur.L’usage en est navrant et ne vaut pas qu’on rie.Racine prise à quelque ancienne prairieSon crin inerte sèche : et son manche a blanchi.Tel un bois d’île à la canicule rougi.La cordelette semble une tresse gelée.J’aime de cet objet la saveur désoléeEt j’en voudrais laver tes larges bords de lait,Ô Lune où l’esprit de nos Sœurs mortes se plaît.
Arthur Rimbaud, Album zutique.
Le homard et la boîte de corned-beef
Le homard et la boîte de corned-beef que portait le docteur Faustroll en sautoir
Fable Une boîte de corned-beef,