Commentaire Composé Salammbô
L’ « objectalité » du texte
La mise en scène du double dans l’Aurélia de Nerval
Jacopo Masi
Les Littératures de l’Europe Unie
Doctorat d’Études Supérieures Européennes (DESE)
Università degli Studi di Bologna
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Terme humain et du divin, traînée subtile de la frontière entre les profondeurs et les hauteurs,
« esprit » est le mot le plus fréquent dans les pages d’Aurélia. Ses 68 occurrences parsèment le texte d’une ambiguïté, d’un double sens qui la langue italienne a séparé dans le dualisme « spiritomente ». Deux, donc, sont les possibles domaines sémantiques de l’interprétation et deux sont aussi, dans Aurélia, les lignes épistémologiques qui structurent le récit, deux les poids qui tiennent en équilibre le levier du monde nervalien dans cette dernière représentation ou, plus proprement, lecture, déchiffrement exégétique de la réalité. Quatre les yeux qui regardent en suivant deux volontés différentes et opposées.
D’un côté la ligne de la folie : le narrateur qui s’observe et se raconte comme malade, qui s’étudie et s’analyse comme patient vu à travers la lentille des connaissances/croyances médicales de son époque. Il s’agit de la même perspective exposée par l’auteur, hors du récit, dans une lettre du 2 décembre 1853 au Docteur Blanche (directeur de la clinique de Passy où Nerval était enfermé) où il fait allusion à une étude, à partir de sa maladie, qui ne sera pas « inutile pour l’observation et la science »1. Ou encore, le lendemain :
J’arrive ainsi à débarrasser ma tête de toutes ces visions qui l’ont si longtemps peuplée. À ces fantasmagories maladives succéderont des idées plus saines et je pourrais reparaître dans le monde comme une preuve vivante des vos soins et de votre talent. 2
Aurélia naquit donc sous forme de « récit clinique », sa visée était en origine « thérapeutique et cathartique »3, comme l’écrit Jean-Nicolas Illouz. On sait très bien qu’il ne faut pas confondre le niveau de