Commentaire composée
COMMENTAIRE COMPOSE
A toi, femme que j’ai tant aimée,
Cette lettre sera certainement la dernière de ma propre main car la maladie et la vermine me minent chaque jour un peu plus. Mes membres tremblent comme de vulgaires feuilles mortes jetées au quatre vents. Je me demande si tu parviendras à déchiffrer les serpentins que je m’ingénie à dessiner. Ma vue baisse tragiquement. Je ne sais si je viendrai à bout de la redoutable entreprise que je me suis imposé en décidant de t’écrire. Au surplus, peut-être la lettre ne te parviendra-t-elle jamais vu que cerbères, sbires, tortionnaires patentés et bourreaux de tout crin sont aux aguets avec un zèle désarmant tels des hyènes affamées. Le contexte concentrationnaire dans lequel je me trouve confiné m’incline au découragement qui en ajoute à mon piteux état physique.
Ici, à Aboussa, tout est incertitude : incertitude de la pitance du jour, incertitude de survivre jusqu’au lendemain. La seule et unique certitude - qui hante l’esprit de chaque malheureux pensionnaire de ces lieux - est sa mort très prochaine. Dans cette cuvette caniculaire, c’était sans compter avec la perfidie, le machiavélisme et le