Commentaire de Bachelar
Il suffit que nous parlions d'un objet pour nous croire objectifs. Mais, par notre premier choix, l'objet nous désigne plus que nous ne le désignons et ce que nous croyons nos pensées fondamentales sur le monde sont souvent des confidences sur la jeunesse de notre esprit. Parfois nous nous émerveillons devant un objet élu ; nous accumulons les hypothèses et les rêveries ; nous formons ainsi des convictions qui ont l'apparence d'un savoir. Mais la source initiale est impure : l'évidence première n'est pas une vérité fondamentale. En fait, l'objectivité scientifique n'est possible que si l'on a d'abord rompu avec l'objet immédiat, si l'on a refusé la séduction du premier choix, si l'on a arrêté et contredit les pensées qui naissent de la première observation. Toute objectivité, dûment vérifiée, dément le premier contact avec l'objet. Elle doit d'abord tout critiquer : la sensation, le sens commun, la pratique même la plus constante, l'étymologie enfin, car le verbe, qui est fait pour chanter et séduire, rencontre rarement la pensée. Loin de s’émerveiller, la pensée objective doit ironiser. Sans cette vigilance malveillante, nous ne prendrons jamais une attitude vraiment objective. G.Bachelard, la psychanalyse du feu (1949)
A travers ce texte, extrait de la psychanalyse du feu, Bachelard s’interroge sur la notion d’objectivité. Traditionnellement, nous opposons l’objectif au subjectif. Par définition est objectif ce qui repose sur un objet ; ce qui existe en dehors de l’esprit et subjectif ce qui repose sur un sujet ; relatif au sujet pensant. Dès lors, au sein de cette opposition, nous avons tendance à considérer que ce qui est objectif est relatif alors que ce qui est subjectif ne l’est pas. Or, il s’agirait de saisir plus précisément ce que nous qualifions ici d’objectif et les raisons que nous invoquons alors. N’oublions pas que lorsque nous disons d’un jugement qu’il