Commentaire de claude lévi-strauss, tristes tropiques, 1955.
En 1955, Lévi-Strauss publie Tristes Tropiques, un ouvrage où il relate les deux expéditions scientifiques qu’il a menées au Brésil comme ethnologue. L’extrait proposé à l’analyse en constitue les premières lignes.
Ce texte argumentatif nous présente une partie des réticences de l’auteur lorsqu’il s’est lancé dans la rédaction de son ouvrage. Sa tonalité est polémique par le caractère tranché de ses prises de position. Dans le préambule de cet essai, le lecteur peut découvrir un début de pacte de lecture en même temps qu’un manifeste de « la profession d’ethnographe ».
Nous nous attacherons à montrer comment ce texte possède quelques-unes des caractéristiques d’un incipit. D’abord nous relèverons ce qui concerne le sujet, le cadre spatio-temporel ; puis nous examinerons le projet de rédaction de Lévi-Strauss dans les écueils qu’il entend éviter ; pour terminer par ce qu’il désire nous partager des humbles réalités de l’exercice de sa science.
Développement
A – Le cadre spatio-temporel, le sujet, les personnages
Les premières lignes apprennent au lecteur que l’ouvrage souhaite « raconter [l]es expéditions » de l’auteur au « Brésil » « quinze ans » auparavant, soit avant 1940. Le personnage principal sera moins le « Je » individualiste qui prend la parole que le regard formé par une discipline scientifique exigeante.
Ce récit n’entend donc pas être une relation de voyage ordinaire.
B – Ce que ne sera pas l’ouvrage. La démythification du voyage traditionnel.
Lévi-Strauss va dénoncer quelques écueils qu’il souhaite éviter.
L’ouvrage débute par une déclaration tonitruante dans laquelle l’auteur prend en charge l’énoncé par un « Je » sans détour suivi d’un verbe de sentiment à la forte intensité : « Je hais les voyages et les explorateurs. » La formule n’est pas sans rappeler le célèbre « J’accuse » d’un certain Zola. Ainsi est posée d’emblée la thèse. Le lecteur est mis en état de choc. Cette entame agressive est sans doute voulue