Commentaire de l'incipit d'eldorado de laurent gaudé
Le texte que nous allons étudier est l’incipit du roman « Eldorado » de Laurent Gaudé, publié en 2006 aux éditions Actes Sud, qui évoque la question de l’immigration clandestine en provenance d’Afrique du Nord vers l’île de Lampedusa. L’incipit met en scène l’un des personnages principaux, le commandant Salvatore Piracci. Garde-côte basé à Catane, il déambule dans les ruelles animées de sa cité un jour de marché et rencontre par hasard une femme qu’il a sauvée deux ans auparavant avec une centaine d’autres clandestins abandonnés en mer par des passeurs aux motivations mercantiles.
Dans un premier temps, nous allons montrer comment la mer, omniprésente en ce début de roman, offre un visage double qui annonce le destin des différents personnages du récit. Dans une seconde partie, nous étudierons la façon dont est réalisé le portrait du personnage principal, seul et mûr pour affronter sa destinée. Dans un dernier temps, nous montrerons que cet incipit renferme une dimension spirituelle qui mêle figures mythologiques et références chrétiennes, toutes annonciatrices d’un destin comme d’une rédemption.
Dès le début du roman, la mer est personnifiée, présentée comme une femme nourricière au ventre fécond : « En ce jour, encore, la mer avait donné. Il serait peut-être un temps où elle refuserait d’ouvrir son ventre aux pêcheurs. » Elle semble douée d’une volonté propre, qui choisit de nourrir ou d’affamer les hommes à sa guise : « La mer, un jour, les affamerait peut-être. » La mer se présente comme une entité double, toute-puissante : elle est une divinité ombrageuse qu’il faut honorer et respecter, sinon son courroux s’abattra sur les hommes qui dépendent d’elle : « « Mais il ne fallait pas risquer de mécontenter la mer en méprisant ses cadeaux. » ; « Tant qu’elle offrait, il fallait honorer ses cadeaux. ».
Les présents offerts par la mer toute puissante ne sont pas perçus de la même façon par tous les