Commentaire du poème "clown" d'henri michaux
Henri Michaux a su allier deux arts devenus presque complémentaires avec la Modernité : la poésie et la peinture. Ses tableaux dessinent des êtres informes dont on peut à peine reconstruire les corps et les têtes esquissés. Le visage disparaît et laisse place à un semblant de figure aux contours flous. Il reprend d’ailleurs dans le recueil L’Espace du dedans, un thème particulièrement exploré en peinture, de Renoir à Picasso : celui du Clown. Ici les traits du Clown, comme ceux de Plume dans ses peintures, semblent lui échapper. Le Clown est davantage appréhendé par ce qui lui manque que par ses attributs. Le poème se présente ainsi comme la quête d’un visage, d’une identité, quête qui se solde au final par un échec. Ou plutôt, si le clown se dépouille de ses attributs pour accéder à son être, il ne trouvera que du non-être. Il s’agit alors de se demander comment ce voyage intérieur est traité, et plus particulièrement comment la forme même dans laquelle se donne le poème, cette langue déconstruite, induit comme par nécessité la déconstruction de l’identité du poète. L’éclatement de la langue établit le lien entre le langage et la recherche d’un être. Et puisque la syntaxe traditionnelle semble incapable de dire l’être, il faut procéder à une véritable table rase des apparences pour pouvoir accéder à un moi plus profond. Mais cette renaissance du clown se fait sur le mode de la déchéance.
Si la forme du poème en prose semble d’extérieur se conformer aux quelques règles du genre : aucune versification, texte court et unifié par un titre, Michaux s’emploie à bouleverser la langue et la syntaxe. Ainsi l’impossibilité de dire l’être se trouve transgressée par l’éclatement de la langue. Il s’agit tout d’abord de se libérer des chaînes de la syntaxe traditionnelle. L’ « ancre » à la ligne 3 symbolise l’attachement. Le Clown veut se libérer de ce lien qu’il projette d’arracher. La métaphore du voyage marin