Commentaire littéraire , " l'étranger " de baudelaire
André Durand présente
‘’L’étranger’’
de Charles BAUDELAIRE
dans
‘’Petits poèmes en prose’’ (1869)
Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !
Commentaire
Le texte se présente sous la forme d’un dialogue, sans que ce soit du théâtre puisque le nom des locuteurs ne nous est pas fourni, et qu’on n’a pas sur eux de réels renseignements. Ce dialogue se déroule entre deux inconnus dont l’un, appelons-le le questionneur, cherche à percer le mystère de l’identité de l’autre qui est qualifié «homme énigmatique», le mot signifiant qu’il est un être singulier, qui intrigue, qui maintient une distance avec les autres, qui semble être celui qui ne joue jamais le jeu, qu’on ne peut pas ancrer quelque part, qui est difficile à comprendre, qui suscite justement les interrogations que lui fait la voix sociale.
Le déroulement :
Le questionneur, qui tutoie son interlocuteur, lui pose d’abord, avec bienveillance et courtoisie, en usant de cette marque de l'oralité, «dis?», qui est une expression familière explétive mais incitative, une question quelque peu étonnante car elle porte sur ceux qu’il aime, en supposant d’emblée qu’ils doivent être les membres de sa famille, ceux qui pourraient le rattacher à la communauté, et dont il croit nécessaire d’énumérer une liste qui va de soi.
L’interrogé répond négativement, en reprenant avec détermination les termes du questionneur dans le même ordre, cette symétrie, où à la