Commentaire - nox
Hugo-poète emprunte souvent ses effets à Hugo-dramaturge. C'est la cas dans ces vers où, explicitement, le tyran interpelle des complices. On peut y voir aussi un sorte de monologue intérieur que le lecteur entendrait grâce à un artifice comparable à ceux utilisés au théâtre. Un tel discours n'a, bien sûr, jamais été prononcé mais le procédé est saisissant. Nous voici à l'écoute d'une pensée brute et non d'un discours politique élaboré, dès lors au fondement même d'actes réels comme si Hugo voulait saisir à la racine les caractères psychologiques de son ennemi. Dans la violence des mots doit éclater la noirceur des pensées.
Et tout d'abord la cruauté du tyran. Ainsi le ton du texte est donné par une longue chaîne de verbes de sens proche, utilisés à l'impératif et au subjonctif (" égorge ", " frappez "," tuez ", " mitraillez ", " fusillez ", " broie ", " écrase ") qui évoquent une énergie destructrice hors du commun. Le verbe " tuer " est à lui seul répété trois fois au vers 6, véritable raccourci de l'ensemble. Les morts ont en premier lieu des noms précis, ce qui enracine le poème dans l'histoire immédiate : Baudin et Dussoubs (vers 6) sont bien deux victimes des combats menés sur les barricades les 3 et 4 décembre 1851. Puis le collectif succède au singulier : " peuple " (vers 7), " canaille " (vers 8). Les victimes sont maintenant un vieillard, un enfant, une mère (vers 14, 15, 16) sans nom trop précis. Leur anonymat peut se lire comme une généralisation et une aggravation de la cruauté. Le peuple devient " peuple infâme " (vers 16). Le rejet du verbe " Tremble " (vers 17) renforce le sens de l'adjectif épithète " infâme ".
Après la cruauté, éclatent la bassesse et le mépris. Sans respect pour la vie humaine, Louis-Napoléon méprise en outre le droit et la liberté d'opinion. L'inversion du complément de but au vers 4 exprime avec éloquence cette alliance de cruauté et de tyrannie qui caractérise, pour Hugo, le régime. La