Commentaire père goriot
Une scène d’enterrement fait souvent l’objet d’un traitement pathétique, traitement qui met en exergue la douleur des vivants face à la perte de l’être cher. Les funérailles du père Goriot font cependant exception : dans le roman du même nom, composé par Balzac en 1835, le vieillard apparaît comme l’incarnation de la gentillesse et de la générosité. Il meurt néanmoins dans une indifférence et une indigence qu’il s’agira d’envisager à travers le point de vue d’un jeune homme, Eugène de Rastignac. En quoi cet enterrement, emprunt moins de tristesse que de trivialité, constitue en effet un moment clef dans l’évolution du héros balzacien ?
Nous nous intéresserons dans un premier temps à la façon dont le narrateur décrit les différentes étapes du « service » funèbre, service précipité par le manque de temps et d’argent. Il conviendra ensuite de se concentrer sur celui que Balzac nomme « l’étudiant », véritable ambitieux en devenir. La mort du père Goriot ne coïncide-t-elle pas chez Eugène avec une forme de renaissance, accès à l’âge adulte qui lui permettra de mener à bien son désir d’ascension sociale ?
Les funérailles du père Goriot ne conservent que les apparences d’une cérémonie. La gravité de l’événement ne trouve que peu d’écho auprès d’une assistance peu nombreuse. Seuls Rastignac et Christophe,« garçon de peine » travaillant dans la pension Vauquer, accompagnent le défunt dans son dernier voyage. La solitude du mort se trouve accusée par l’énumération du personnel religieux, constitué des « deux prêtres », de « l’enfant de chœur » et du « bedeau ». Aussi le narrateur s’attache-t-il à décrire moins la tristesse liée au deuil que les étapes du service funèbre, étapes envisagées avec un certain détachement. L’arrivée du corbillard marque de fait le début d’un rituel privé de toute part sacrée : les « croque-morts » assurent la levée du corps, corps promis à une disparition complète, disparition