« Va, cour, vole et nous venge » ; cette citation cornélienne pourrait à elle-seule résumer l’un des thèmes préférés des classiques : la vengeance. C’est également ce sujet que développe Victor Hugo dans la scène d’exposition de Ruy Blas. Chef de file du drame romantique, mouvement du XIX° siècle qui prône le renouveau et la rupture, l’auteur nous présente dans cet extrait Don Salluste, personnage fourbe et machiavélique de la pièce, à l’orée de son projet de revanche sur la reine.
Il nous semble donc légitime de nous demander dans quelle mesure cette première scène appartient au genre du drame romantique.
Ainsi, à travers l’analyse commentée de l’extrait, nous pourrons constater dans un premier temps que cette exposition répond à des procédés classiques. Cependant, si inspiration il y a, des ruptures sont aussi à relever ; entre classicisme et modernité, nous verrons dans un deuxième temps que Victor Hugo met bien en pratique le drame romantique.

La scène d’exposition, d’après les classiques, se doit d’être efficace ; ainsi, Boileau, dans son Art poétique, explique que les dramaturges doivent présenter les personnages, le lieu et l’intrigue de manière claire et directe. Cette caractéristique est présente dans notre extrait de Ruy Blas. Tout d’abord, nous pouvons noter que la longue didascalie initiale permet au lecteur de situer efficacement le lieu et l’époque : « Le salon de Danaé […] à Madrid ». La sonorité hispanique des noms des personnages participe également à cette localisation – « don » est une particule espagnole.
De plus, nous pouvons constater que les différents personnages sur scène et hors scène sont rapidement présentés : Ruy Blas est annoncé dès le premier vers ; Gudiel au vers 4 et Don Salluste, « chef de la maison des Bazan » (v. 17), est le titre éponyme de ce premier acte. De même, la répartition des paroles suffit à comprendre les rôles de chaque personnage : les tirades de Don Salluste soulignent sa suprématie sur les valets, qui sont