Commentaire rousseau
« Qu’est-ce que le roman, en effet, sinon cet univers où l’action trouve sa forme, où les mots de la fin sont prononcés, les êtres livrés aux êtres, où toute vie prend le visage du destin.»
Albert Camus, L’Homme révolté (1951)
Introduction :
Lorsqu’il est analysé, le travail du romancier est souvent comparé à celui du démiurge. La création de roman se voit ainsi mise en parallèle avec la création de mondes. Camus reprend cette analogie, lorsqu’il affirme, dans L’Homme révolté : « Qu’est-ce que le roman, en effet, sinon cet univers où l’action trouve sa forme, où les mots de la fin sont prononcés, les êtres livrés aux êtres, où toute vie prend le visage du destin.» Camus conçoit ainsi le roman comme un « univers » qui serait une reproduction organisée du monde réel. Loin de se contenter de reproduire l’existence, il en livrerait, en effet, une image condensée et intensifiée. Il y aurait, dès lors, perfectionnement du monde à travers le reflet qu’en livre la fiction. Le caractère disparate, inachevé, fragmenté du réel, tel qu’il s’offre au regard d’une subjectivité, disparaîtrait au profit d’une peinture claire et cohérente du monde. C’est pourquoi Camus place au cœur de sa vision du roman l’idée de destin, en opposition à la dimension aléatoire et incertaine de l’existence. Cette référence au destin, confortée par l’expression « mots de la fin », bannit ainsi le hasard, inhérent à la vie, de la sphère du roman et fait, de celui-ci, par là-même, l’instrument de la création d’un ordre rassurant. Camus réactualise ainsi, dans son analyse, la notion de mimesis, affirmant que le roman ne viserait pas tant à refléter fidèlement le réel, qu’à en donner une image synthétique et sublimée, réconfortante pour un lecteur en quête d’unité, cherchant à ressaisir, par le biais de la fiction, son être morcelé. Un tel discours caractérise, en effet, l’inquiétude d’un écrivain du XXème siècle, époque hantée par un questionnement sur le sens de l’histoire