Voltaire, auteur emblématique des Lumières, fait paraître Candide ou l’optimisme à Genève en 1759. Ce conte philosophique a pour but premier de s’attaquer à la philosophie optimiste de Leibniz, selon laquelle Dieu a créé le meilleur des mondes possibles. Le jeune héros, dont le nom indique l’innocence, éduqué par Pangloss, maître de philosophie optimiste, se retrouve donc confronté à la dure réalité du monde après avoir été chassé du château de son enfance, Thunder-ten-tronkh. Dès le chapitre 2, Candide errant est recruté par l’armée bulgare, pour combattre l’ennemi abare. Le chapitre 3 est consacré à la guerre entre ces deux nations, vue à travers les yeux du jeune optimiste, à qui il faudra bien d’autres aventures pour renoncer à sa philosophie. Comment Voltaire, à travers une féroce dénonciation de la guerre, fait-il la critique de l’optimisme dans ce chapitre? Si le texte fait d’abord un éloge ironique de la guerre, il s’attaque ensuite à celle-ci de façon bien plus directe par un tableau choquant de ses conséquences. Cette critique, bien qu’importante, sert cependant de toile de fond à la critique de l’optimisme. L’ironie voltairienne se manifeste dès la première phrase du chapitre, lorsqu’il entame l’éloge de la guerre : « Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. » L’accumulation des qualités, renforcée par le recours à l’intensif « si », met en avant cet éloge. Les qualités de ces armées sont ainsi avant tout esthétiques. L’aspect « brillant » des armées évoquerait presque une armée de soldats de plombs, idée confirmée par le fait qu’ils soient « renvers[és] » par les canons en grand nombre un peu plus loin. La réalité de la guerre est ainsi écartée. C’est à la place un véritable spectacle pour les yeux de Candide, mais aussi pour ses oreilles : « Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer ». L’accumulation des instruments forme