Commentaire : voyage au bout de la nuit - chap 2
Commentaire :
« "Chacun sa guerre !" que je me dis », et à chaque expérience vécue, son écriture particulière semble nous dire Céline dans ces quelques mots extraits de Voyage au bout de la nuit. Car si la guerre nous réduit à de simples êtres de chair qui tendent à la survie biologique, comment en rendre compte par la parole, outil humain d’abstraction et de communication, sinon en refusant le langage lui-même ? Dans le récit où il narre la disparition des poilus, devenus si étrangers à l’émotion qu’ils sont indifférents à la mort ou à la souffrance, comme celle du messager, Céline nous place au cœur d’un univers infernal où tout n’est qu’éclatement. L’auteur se trouve alors dans une double impasse, incapable de partager son expérience avec un autre combattant, puisque ce vécu le rend justement étranger à lui-même et aux autres, et encore moins avec le lecteur qui ne peut imaginer la violence du choc tant qu’il ne l’a pas subi. Comment dès lors communiquer l’expérience de la destruction sinon en détruisant le langage, sans qu’il ne perde toute valeur ? Ainsi, cette page de Céline nous présente avant tout un récit inscrit dans un monde de chaos (première partie), autant temporel que spatial, qui souligne l’impossibilité des liaisons entre les choses et les hommes. De ce fait, l’homme perd toute réalité affective, et devient étranger (deuxième partie) aux autres et à soi. La vérité de l’être et de l’expérience ne pourra dès lors apparaître que par la création d’une écriture dépouillée qui joue sur l’humour, le choc et le prosaïsme (troisième partie), afin de révéler l’insignifiance du monde par le retournement de la langue.
Narration dont le décor est le front de la première guerre mondiale, l’auteur plante un décor d’épouvante, où le monde n’apparaît plus que comme un chaos, un éclatement du réel sous les feux de la violence en éléments désunis à jamais. Ce chaos est tout d’abord spatio-temporel. Le monde extérieur n’est observé