Commentaire d'un extrait de saint-simon
(1675-1755)
Mémoires (1829)
Tome 20
(Conclusion)
Par Robert Ferrieux
Me voici enfin parvenu au terme jusqu'auquel je m'étais proposé de conduire ces Mémoires. Il n'y en peut avoir de bons que de parfaitement vrais, ni de vrais qu'écrits par qui a vu et manié lui-même les choses qu'il écrit, ou qui les tient de gens dignes de la plus grande foi, qui les ont vues et maniées ; et de plus, il faut que celui qui écrit aime la vérité jusqu'à lui sacrifier toutes choses. De ce dernier point, j'ose m'en rendre témoignage à moi-même, et me persuader qu'aucun de tout ce qui m'a connu n'en disconviendrait. C'est même cet amour de la vérité qui a le plus nui à ma fortune ; je l'ai senti souvent, mais j'ai préféré la vérité à tout, et je n'ai pu me ployer à aucun déguisement ; je puis dire encore que je l'ai chérie jusque contre moi-même. On s'apercevra aisément des duperies où je suis tombé, et quelquefois grossières, séduit par l'amitié ou par le bien de l'État, que j'ai sans cesse préféré à toute autre considération, sans réserve, et toujours à tout intérêt personnel, comme encore [en] bien d'autres occasions que j'ai négligé d'écrire, parce qu'elles ne regardaient que moi, sans connexion d'éclaircissements ou de curiosité sur les affaires ou le cours du monde. […]
Reste à toucher , ce point si essentiel et tenu pour si difficile, je ne crains point de le dire, impossible à qui écrit ce qu'il a vu et manié. On est charmé des gens droits et vrais ; on est irrité contre les fripons dont les cours fourmillent ; on l'est encore plus contre ceux dont on a reçu du mal. Le stoïque est une belle et noble chimère. Je ne me pique donc pas d'impartialité, je le ferais vainement. On trouvera trop, dans ces Mémoires, que la louange et le blâme coulent de source à l'égard de ceux dont je suis affecté, et que l'un et l'autre est plus froid sur ceux qui me sont plus indifférents ; mais néanmoins vif toujours pour la vertu, et contre les