Commentaire
Le roman classique comporte des épisodes riches en émotion, quasiment obligatoires, et attendus par le lecteur, parmi lesquels figurent les premières rencontres amoureuses. Dans son roman éponyme, Lucien Leuwen, dont l’intrigue se déroule sous la Monarchie de Juillet, vers 1834-1835, Stendhal met en scène Lucien, un jeune sous-lieutenant récemment affecté à Nancy. Alors qu’avec son régiment le héros défile en ville sur un cheval d’emprunt, celui-ci se livre à des réflexions désabusées sur sa situation. Dans l’extrait que nous étudions, Lucien rencontre « une jeune femme blonde », mais Stendhal qui fait partie des romanciers novateurs du début du XIXème siècle, renouvelle cette scène traditionnelle de façon originale. En effet, adoptant le point de vue de son personnage, l’auteur épouse l’expérience vécue par celui-ci, cependant, le narrateur n’en prend pas moins de la distance à l’égard de son personnage par son commentaire tendrement ironique. Fusion et distance constituent donc les deux dimensions de ce texte.
I/ Fusion narrateur-personnage
1) Le point de vue de Lucien
- le narrateur extérieur au récit adopte un point de vue interne des le début « Lucien leva les yeux et vit … » (l 1) (champ lexical du regard). Le lecteur peut donc plus facilement s’identifier au héros dont il partage la situation privilégiée : il faut en effet être sur un cheval pour apercevoir « un embarras sous une voûte au bout de la rue », pour distinguer le détail de « la mousseline brodée » (l 17), et pour lire dans les yeux de la jeune femme « une expression singulière » (l 18-19) alors qu’elle est « à demi cachée » derrière sa fenêtre. Seul l’arrêt du défilé et la hauteur du cheval permettent ce point de vue.
2) Une information limitée
- En adoptant le regard de Lucien, l’auteur limite notre connaissance, car la jeune femme reste inconnue et mystérieuse : comme le personnage, le lecteur ne fait que l’entrevoir et doit