Commentaire du Texte de Malebranche :

Dans le domaine des sciences déductives, quand nous exposons à quelqu’un quelque vérité à nos yeux certaine, nous supposons toujours que, mis devant l’évidence, l’autre ne pourra pas ne pas voir le lien que nous cherchons à produire. Tout l’art de la pédagogie, finalement consiste plus à ôter ce qui gênera la perception de l’évidence, mais en définitive, nous supposons que l’élève doit, au final, voir par lui-même et en lui la vérité de ce que nous voulons montrer. Mais d’où nous vient la certitude que ce que nous voyons comme évident doit nécessairement l’être pour l’autre ? Pourquoi cet étonnement, voire cet agacement, quand l’autre ne comprend pas, ou ne voit pas le lien ?
Telle est la question fondamentale que Malebranche entend traiter dans ce texte : comment justifier, en matière de vérités de raison, notre certitude de l’universalité de notre pensée. Il veut nous remettre devant ce qui devrait profondément nous étonner et qui est devenu une habitude : nous passons sans sourciller du « c’est évident pour moi » au « c’est évident pour tous ». L’intérêt du texte de Malebranche est qu’il ne se contente pas d’affirmer cela de la seule raison théorique, mais qu’il l’étend aussi à la raison pratique, ainsi ce qui m’apparaît bon ou juste, je le pense comme devant apparaître bon ou juste à tous. Malebranche tire de ce constat sa thèse : c’est que la raison que nous mettons en action pour penser et agir est une raison universellement partagée par tous les êtres pensants, même si parfois, pour l’action tout au moins, il nous arrive de ne pas vouloir l’écouter et de privilégier les intérêts particuliers.
Cette thèse, pour convaincante qu’elle soit, laisse cependant quelques difficultés en suspens.
Peut-on à ce point faire confiance à la simple évidence, celle-ci constitue-t-elle un critère infaillible de vérité, ou faut-il nuancer le propos ? Un deuxième point devrait être examiné : Est-il si évident que la